Préface à l’édition de ‘GNOSIS’ dans la langue Arabe moderne
Le Malentendu Historique qui existe entre l’Orthodoxie et l’Islam et qui est à dissiper
I) Perspective Historique
Un tragique malentendu pèse depuis des siècles sur l’orient et envenime les relations entre le monde Orthodoxe et le monde Musulman. Dans sa perspective historique, ce malentendu se présente d’autant plus absurde que bon gré mal gré les Musulmans et les Orthodoxes ont été - et sont toujours - appelés à vivre cote à cote dans toute l’étendu de l’ancien monde hellénique, élargie avec le temps, et allant aujourd’hui du Pole Nord jusqu'à l’Adriatique et de là, l’Egypte et le Proche Orient compris, jusqu’aux confins du Turkestan chinois, de l’Afghanistan et de l’Inde. Et nous voyons cet ancien malentendu, en soi sans raison valable, reprendre aujourd’hui à Chypre sa forme dynamique d’autrefois qui ajouta aux fleuves du sang écoulés au cours des siècles, de nouveaux confluents.
Malgré les apparences et des déclarations parfois pompeuses mettant l’accent sur l’opposition religieuse, on peut soutenir que les vraies origines des hostilités qui mettaient ces deux mondes l’un contre l’autre, étaient toujours d’ordre politique et économique, attendu que les guerres d’autrefois - et jusqu’aux les temps pré-atomiques- étaient des entreprises rentables.
La conquête de la Russie par les Tartares au XIIIe siècle n’avait pour but que le tribut. Or, avec l’abolition du joug en 1480, déjà ébranlé un siècle auparavant sur les champs de Koulikov, les Tartares, anciens conquérants, s’étaient répandus partout en Russie faisant partie intégrante et aimée de sa population. Si bien qu’il serait ridicule de parler aujourd’hui d’une hostilité russe-tartare alors qu’aux cotés de la masse d’Orthodoxes vivent paisiblement en l’U.R.S.S. quelques trente millions de Musulmans, non seulement en parfaite égalité de droits, mais encore en profonde confiance et sympathie réciproques.
Les Croisades étaient l’oeuvre de l’Occident papal et, on le sait, les Orthodoxes n’y prenaient pas une part active, l’Orthodoxie n’entretenant même pas d’Ordres religieux de chevalerie. Au contraire, ils en étaient des victimes. En 1204, sous le pape Innocent III, la Grèce étant déjà décimée par les Occidentaux, la IVe Croisade conduite par Enrico Dandolo, doge de Venise, prit Constantinople, la pilla, la dévasta puis y établit pour 57 ans un ‘empire latin’. Vers la même époque, en 1240, alors que les Tartares procédaient méthodiquement à la conquête des principautés russes, Kiev étant dévastée, les Suédois, puis l’Ordre Teutonique retiré de la Palestine par le pape Grégoire IX, furent lancés contre les Russes en une ‘Croisade’ au cri : Humilier les Slaves ! Ils furent renversés par le prince saint Alexandre Nevsky.
Les guerres qui opposaient les Turcs à la Russie et à l’Europe n’avaient aucun motif religieux, tout comme la conquête par eux de l’empire de Byzance agonisant. Guerriers sans culture originale, ils devinrent bientôt pions sur l’échiquier de la politique européenne. Plus d’une fois ils furent ‘lancés’ par les Occidentaux en guerre contre la Russie. Mais il serait vain d’y chercher des motifs religieux, c'est-à-dire une opposition des Orthodoxes et des Musulmans. Il suffit pour s’en convaincre de jeter un coup d’œil sur les traités de paix par lesquels se terminaient ces guerres désastreuses qui ébranlèrent la puissance de l’empire Ottoman. On y trouve un article qui réglait pour la durée de la paix le statut des sujets des deux empires ayant embrassé, étant prisonniers de guerre, l’Orthodoxie par les Musulmans et l’Islam par les Orthodoxes. Voici in extenso les stipulations de l’un de ces articles, de contenu identique, notamment celui du traité d’Andrinople de 1828 qui mit fin à la guerre de libération de la Grèce :
Art. XIV - Tous les prisonniers de guerre de quelque nation,condition ou sexe qu’ils soient qui se trouvent dans les deuxempires doivent aussitôt après l’échange de ratifications du présent traité de paix être délivrés et rendus sans la moindre rançonou paiement.
Sont exceptés les chrétiens qui ont embrassé de leur propre gré la religion mahométane dans les Etats de la Sublime Porte, etles mahométanes qui, également de leur propre gré, ont embrassé la religion chrétienne dans les Etats de l’empireOttoman[1].
Si l’on y ajoute la référence sur les deux ukases de l’impératrice Elisabeth Ire, fille de Pierre le Grand, interdisant la propagande catholique et protestante parmi les populations musulmanes de l’empire de Russie (L’Eglise orthodoxe n’en faisant point étant hostile à toutes sortes de prosélytisme), on mesurera l’ampleur de ce tragique malentendu, fruit de la politique qui creusa pour des siècles un fossé entre les Fidèles des deux grandes religions monothéistes.
On se rappellera, d’autre part, que parlent des campagnes razzias, le Prophète en discernait deux sortes : les unes, extérieures au cri de : Amma esseif aou el Islam ![2] les autres-intérieures, ce que l’Orthodoxie appelle le Combat invisible ayant pour objectif la victoire sur soi-même, c'est-à-dire sur sa propre Personnalité couverte comme d’une armure de son Ecorce [3].
II) L’Appel de la Vérité unit Orthodoxes et Musulmans
Tout change avec le Temps sauf la vérité, Alpha et Oméga de la Création. Or, sa révélation ne vient que progressivement - en rayonnant sous une forme et dans un langage les mieux appropriés à la mentalité et la culture respectives des types humains auxquels Dieu adresse sa Parole par la bouche de ses Envoyés.
Dans la Tradition Orthodoxe, la marche des Fidèles de tous les horizons, répondant à l’appel divin était imagée comme un mouvement allant de la périphérie vers le Centre où la vérité était symboliquement placée. L’Abbé Dorothée exposa cette image dans un schéma ci-après:
C’est pour attirer l’attention des chercheurs sur ce qu’en s’approchant chacun de son coté de la Vérité, ils s’approchent progressivement entre eux[4].
Il est à remarquer que cela est valable sur tous les plans y compris celui matériel et de la technique : l’uniformité de l’enseignement et des recherches orientés vers les mêmes buts déterminèrent sur ce plan celle des résultats obtenus ou à obtenir, ainsi que les sous-produits parfois inattendu. Ainsi, le merveilleux progrès de la technique abolissant les distances et assurant la transmission immédiate de la pensée, abolit en même temps avec l’arme nucléaire les guerres classiques. En leur enlevant leur rentabilité d’autrefois, il les a rendu sans objet.
Le moment est venu de concentrer notre attention et, en général, les efforts de l’esprit humain sur les bases morales de notre existence inchangées depuis des siècles et qui ne supportent plus le poids de la civilisation matérielle contemporaine qui de ce fait risque de s’écrouler en grands fracas. Le manque de bases morales solides adéquates au progrès de la technique saute aux yeux. En effet, ce n’est que la loi de jungle - et encore sous sa forme la plus primitive - qui maintient la paix atomique : l’équilibre dans la terreur. Car tous les éléments matériels nécessaires pour déclancher le Déluge de Feu sont déjà réunis : une pression sur le bouton suffit pour faire sauter la planète.
Devant l’approche de l’Ere du Saint-Esprit où La Vérité habitera[5], l’homme d’élite d’aujourd’hui doit déployer de grands efforts orientés sur lui-même en vue de préparer dans le tréfonds de son cœur épuré et ravivé un digne habitacle pour la recevoir. S’il y parvient à temps, le reste viendra en conséquence : les parois étanches entre les humains progressivement disparaîtront et les frontières gardées entre les nations s’effaceront ; les peuples seront appelés alors, après des millénaires de convoitise et d’incompréhension mutuelle, mère des hostilités, à rebâtir la Tour de Babel jadis foudroyée, à l’ériger à présent en symbole de la reconquête consciente de leur unité d’esprit et de langue.
L’O.N.U. en est l’ébauche extérieure, instrument utile et nécessaire, mais jusqu’à présent par trop mécanique. Il lui manque encore d’Ame. On le voit sans peine : sa tache dépasse les possibilités morales de l’Intellectuel qui depuis la Renaissance détient en Europe, puis dans le monde entier, les leviers de commande. Et la marche de l’Histoire que personne ne saura arrêter, ni freiner réclame impérieusement la venue de l’Homme Nouveau.
Dans la série de ¨GNOSIS¨ l’auteur s’est efforcé d’exposer sous une forme moderne la Doctrine ésotérique remontant d’après la Tradition au-delà du Déluge - jusqu’à Seth, le troisième fils d’Eve. Complétée et révélée par Jésus après sa résurrection à Pierre, Jean et Jacques, cette Gnose fut ensuite conservée de génération en génération sous forme ésotérique dans l’Orthodoxie orientale - pour être désoccultisée de nos jours.
***
Le salut ne réside pas dans de nouvelles merveilles du progrès de la technique qui pourtant sont indispensables pour assurer une base matérielle à l’Ere Nouvelle dont les possibilités dépassent l’imagination la plus puissante des technocrates d’aujourd’hui.
Le salut dépend des résultats des recherches introspectives faites par l’Homme dans le tréfonds de son cœur pour y reconnaître son Moi réel, oublié depuis la Chute, et pour s’identifier avec lui.
Emerveillé, l’Orthodoxe s’y trouve identifié avec la monade du Christ son Seigneur, Fils de Dieu qui est la Lumière, l’Esprit et l’Amour.
S’approchant du Centre du schéma de l’Abbé Dorothée d’un autre horizon, l’Islamique éprouve la même révélation et déclare :
J’ai vu mon Seigneur avec l’œil du cœur et je lui ai dit : ¨Qui es Tu ?¨
Dans le troisième volume de ¨GNOSIS¨, dernier de la série, le lecteur trouvera des indications géopolitiques relatives au périmètre d’où comme d’un radiant des étoiles filantes rayonnera la Lumière Nouvelle. C’est celui, à présent élargi, de l’ancien monde hellénistique jadis crée par l’œuvre de l’Alexandre le Grand et qui devint trois siècles après lui, berceau du christianisme.
Riches de leurs Traditions respectives, les Orthodoxes et les Musulmans qui de nos jours peuplent ce périmètre assument une grande responsabilité : de leur compréhension et de leurs efforts ésotériques respectifs dépendra le sort de la planète.
¨GNOSIS¨ constitue l’appel qui s’adresse à tous sans distinction de race, de caste, de sexe et de religion, appel de s’unir dans cette noble tache ayant les yeux fixés sur la Vérité qui est l’Unité dans la Variété.
Boris Mouravieff
Genève, le 22 octobre 1964
[1] Gabriel Effendi Noradounghian, Conseiller-Légiste de la Porte Ottomane, Recueil d’Actes Internationaux de l’empire Ottoman, en ‘ vol., Paris, Cotillon, 1897-1902, t. II, p. 172. On trouve la meme disposition dans le traité de Bucarest (1812), dans le traité de Jassy (1792), enfin, dans celui de Koutchuk-Kainardji (1774).
[3] C'est-à-dire ce que l’homme acquiert depuis sa première enfance du fait de l’éducation de l’instruction et, en général, de son expérience personnelle.
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